Le 1er SALON DE L’ARTISANAT
ET DE L’INVENTION AU TCHAD (SAIT)
(1er SAIT : 22-25 Juin 2005 à Ndjamena)
Extrait du discour de Dr B.R.
MIARO-II, Président du Salon
- 1er SAIT, qu’est-ce que c’est ?
Qu’est-ce que ‘le Premier Salon de l’Artisanat
et de l’Invention au Tchad’ ? C’est la présentation au
public tchadien des produits d’artisanat, et des premiers
prototypes d’invention et d’innovation technologique des membres
de ‘l’Association pour la Promotion des Invention et des
Innovation au Tchad (APIIT)’. Nous qualifions le Salon de
‘premier’, parce que c’est la première fois que des Artisans
et Inventeurs tchadiens, organisent ensemble sur un même et seul
site, un tel forum, et ils ont de bonnes raisons de le faire. En effet,
l’artisanat, l’innovation technologique et l’invention sont des
secteurs complémentaires de création et de production des biens de
consommation et d’équipement dans des pays comme le Tchad, qui sont
au stade préindustriel de développement.
Je prends l’exemple d’une nouveauté
technologique ou invention à réaliser ici à N’Djaména, la capitale
du pays. Une fois que l’inventeur a une idée claire de son projet, il
fait une esquisse de la nouvelle machine, et ensuite fait appel à un ou
plusieurs artisans (ferrailleurs, soudeurs, tôliers, mécaniciens,
électriciens, menuisiers, des spécialistes des secteurs d’invention
en question, etc.) pour l’aider à réaliser le premier modèle de l’invention,
avec en général du matériel de récupération triés dans des rebus
du marché appelé ‘Cent fils’, ou dans d’autres dépotoirs
industriels de la ville. Les prototypes que vous verrez dans les stands,
qu’il s’agisse de l’arrosoir à traction animale, ou du
motoculteur le Paysan, pour n’en citer que deux, sont les résultats d’une
collaboration et d’une coopération entre artisans et inventeurs.
Dans les pays industrialisés, la réalisation des
prototypes d’invention et d’innovation technologique est en
général confiée aux ateliers spécialisés ou à des laboratoires de
recherche dotés d’un personnel qualifié (ingénieurs de conception,
ingénieurs d’exécution, dessinateurs industriels, économistes,
juristes etc.), d’équipements de précision (tours, fraiseuses,
meules, scies électriques, fonderies etc..), et des matières
premières soigneusement sélectionnées. Nous, artisans et inventeurs
du Tchad n’avons pas ces facilités, mais sommes fiers d’arriver
avec des moyens archaïques, à fabriquer des machines qui allégent des
efforts musculaires de nos concitoyens, ou à préparer des produits
alimentaires pour des enfants malnutris ou encore des solutions
pharmaceutiques pour soulager la souffrance de ceux qui n’ont pas
assez d’argent pour acheter des médicaments importés.
Quel est le but du salon défini plus haut? Premièrement,
informer les Tchadiens de l’existence des associations d’artisans e
d’inventeurs et de leurs membres, qui en plus de sept à huit heures
de travail journalier pour gagner leur pain, se livrent nuit et jour à
des activités de recherche pour concevoir et créer des produits
courants de consommation et d’équipement, et cela souvent avec l’aide
de personne !
Deuxièmement,
montrer aux Tchadiens, qu’ils sont capables de créer, d’inventer, d’innover
et de fabriquer de produits de qualité comme cela se fait dans des pays
industrialisés. Mais cela suppose que nous identifions dans nos
villages et dans nos villes des Tchadiens intellectuellement et
moralement capables de fabriquer de nouvelles machines de forage de
puits, des pompes à eau faciles à utiliser, des arrosoirs à traction
animale, des tracteurs simples, des générateurs d’énergie, des
systèmes de captation et de transformation d’énergie solaire, des
protocoles de fabrication des produits alimentaires et pharmaceutiques,
des séchoirs, etc. Les membres de l’APIIT
en constituent un bon exemple. Nous venons des quatre coins du
Tchad !
Troisièmement, un
dernier objectif qui n’est pas des moindres est un vibrant plaidoyer
auprès des pouvoirs publics et des promoteurs économiques pour
soutenir de toutes leurs forces et de toutes leurs âmes les
associations citées plus haut et leurs membres, de protéger les
inventions et toutes innovations initiées par ces derniers comme le
font les pays industrialisés. Il est fortement recommandé que l’État
étende au secteur de l’invention et de l’artisanat, le système d’aide
publique accordé à la recherche et à la préparation des mémoires,
des thèses de maîtrise et de doctorat, considérant que l’inventeur
ou l’innovateur technologique passe par les mêmes d’étapes d’investigation,
ou suit le même processus. Je peux vous l’assurer puisque j’ai l’expérience
de ces deux secteurs d’activités : j’ai présenté une thèse
de maîtrise, et une de doctorat dans deux des meilleures universités d’Amérique
du Nord, et j’ai également fait deux inventions que vous pouvez
examiner dans mon stand ici même. Il faudra, à ce titre, prévoir au
sein des départements ministériels concernés des budgets annuels
conséquents pour la recherche, pour des bourses d’études et de
voyages, et des prix aux inventeurs et aux artisans et maîtres
artisans. Il faudra également que les pouvoirs publiques continuent à
encourager, à soutenir financièrement et matériellement la tenue
régulière d’un tel forum, seule manière de susciter des vocations.
.
- L’artisanat, les principaux sous-secteurs
Le domaine de l’artisanat dans nos pays est diffus
parce qu’il est dominé par l’informel . Il est donc mal connu. Il
couvre pourtant un éventail relativement large d’activités
économiques et culturelles. Une enquête
réalisée par le Bureau International du Travail (BIT) en 1995 au Tchad
fait état de 115 filières d’artisanat que l’on peut regrouper en
trois catégories :
- L’artisanat utilitaire pratiqué par des
forgerons, fondeurs, tailleurs, boulangers etc.
- L’artisanat de service où l’on trouve des
garagistes, de réparateurs de montres, de mobylettes et autres
machines, des restaurateurs ;
- L’artisanat d’art où travaillent des
bijoutiers, des maroquiniers, des peintres, des sculpteurs.
Il faut rappeler ici que les activités d’artisans
profitent à plus de la moitié de la population du pays et représentent
15 % du produit intérieur brut. Cette contribution à la production de la
richesse nationale serait évidemment plus élevée si le domaine était
mieux encadré et doté des ressources humaines, financières et
matérielles conséquentes.
- Inventions, Grandes inventions
Les termes ‘invention’, ‘innovation
’, ou tout autre mot ou groupe de mots de même sens, désignent des
nouveautés conçues et réalisées, dans les
domaines des arts et métiers, des sciences et techniques, par l’artiste,
l’artisan, le technicien bricoleur, le spécialiste et le savant, grâce
à un réaménagement des données ou des modèles existants, ou encore
suite à la révélation d’un système de relations demeurées jusque
là inconnues dans le cas des paradigmes et théories scientifiques. A ce
titre, ‘l’invention’ et ‘l’innovation’, prennent
également des significations de ‘création’ et de ‘découverte’,
dans les domaines des couleurs, formes, sons, mots, gestes, idées,
concepts, et des matériaux, et conduisent en général à une nouvelle
œuvre artistique ou artisanale, à une organisation et/ou une
construction technologique de plus grande fonctionnalité et efficacité
en comparaison de ce qui existe, et/ou à une meilleure représentation
et explication des réalités matérielles et/ou immatérielles. Les
concepts d’invention, d’innovation, de création et de découverte s’appliquent
évidemment à tous les secteurs d’activités de la vie humaine,
notamment à la recherche scientifique pour générer le savoir et le
savoir-faire qui commandent la production des richesses dans un pays.
La finalité des ‘inventions’ et des ‘innovations
’est de créer des méthodes et des techniques adaptées au milieu,
qui permettent d’alléger des efforts musculaires routiniers et
pénibles, d’accroître la capacité de perception de nos sens, d’améliorer
notre productivité dans le travail, de produire des biens d’équipement
et de consommation indispensables à l’élévation de notre niveau de
vie. C’est ainsi que l’objectif de l’APIIT est de mobiliser
et d’encourager des inventeurs, artisans et entrepreneurs tchadiens et
leurs partenaires nationaux et étrangers à créer et à produire sur
place, dans le pays, au moins la moitié des biens et des services
essentiels permettant l’autosuffisance alimentaire, notamment l’accès
à l’eau dans les villages les plus reculés du pays, à l’énergie
force de travail, à un habitat simple solide et confortable, un
environnement propre et sain, des facilités pour le transport et la
communication afin de permettre le brassage des populations, surtout des
jeunes
La lutte contre la pauvreté financée à coûts de
millions de dollars par des pays amis et des institutions de Breettenwood
et autres organisations internationales sera vaine, tant qu’il n y aura
pas au niveau national une politique volontariste de promotion de l’artisanat,
de l’invention et de la création des techniques, des technologies
appropriées et adaptées aux trois régions naturelles (désert, sahel et
savane) de notre pays.
Nous sommes actuellement à la merci de tous les
aléas de la nature :inondations, invasion des criquets,
températures d’année en année plus élevées tuant des centaines d’enfants
et de personnes âgées, et décimant nos troupeaux de bovins, de caprins,
et de milliers d’ovins ; sécheresse, tempêtes de sable, baisse
des niveaux d’eau de nos deux grands fleuves et du Lac dont notre pays
porte le nom mais ne profite pas vraiment de ses immenses étendues de
limons parce qu’il n’y a pas de politiques claires des pouvoirs
publics en matière de recherche, d’invention, d’innovation. Et
pourtant les grands travaux susceptibles de contribuer à l’amélioration
de nos conditions de vie ne manquent pas. Nous allons en décrire
seulement deux pour illustrer nos propos.
Comme l’Égypte est le don de Nil, un vidéo sur
5000 ans d’histoire de ce pays est présenté à titre d’illustration,
le Tchad peut être également le don de son lac, malheureusement réduit
depuis un demi-siècle de 25 000 Km2 à seulement 5 000 Km2, si
des techniques agricoles appropriées, encouragées par des pouvoirs
publics, sont pratiquées par des populations riveraines. C’est dans ce
sens que le projet en cours d’étude dans le cadre de l’organisation
des pays du Bassin tchadien, de relèvement des niveaux des eaux du Chari,
du Logone et par extension du Lac Tchad, grâce à un canal reliant
Gribingui en RCA au Bahr Sara dans le Mandoul est d’intérêt capital
pour notre pays.
C’est là un exemple de grands travaux que notre
pays se doit d’entreprendre en partenariat avec nos voisins en même
temps que l’exploitation et les recherches pétrolières. Les revenus du
pétrole devraient financer ces grands travaux dans l’intérêt bien
compris de toutes les parties et partenaires en présence. La réalisation
d’un tel projet permettrait le transport sur l’eau des personnes, des
animaux et des biens entre les régions du sud et du centre quatre à cinq
mois par an, pendant la saison des pluies où les routes faites de terres
battues sont impraticables. Elle permettrait également de faire du Tchad
le grenier de l’Afrique centrale dans les cultures du blé, du maïs, de
la canne à sucre, des pommes de terre etc. , sans oublier l’augmentation
de sa capacité de production animale, et des possibilités de
re-génération de sa biodiversité, de sa faune et de sa flore détruites
par de longues périodes de sécheresse et de guerres fratricides .
Il faut saluer en passant le désenclavement de
notre pays par l’extension vers Moundou du chemin de fer
Trans-Camerounais ; ce projet introduira dans notre pays la technologie du
transport par rail, beaucoup plus économique, ce qui permettrait le
transport par l’Océan Atlantique à des coûts beaucoup plus bas que
par la route, et Dieu sait, nous avons besoin d’accéder aux océans qui
nous entourent et à la Méditerranée pour élargir nos horizons dans
cette ère de la globalisation.
Mais la mise en œuvre de ces deux grands projets
suppose la planification et la réalisation intelligentes de bons
programmes d’éducation et de formation à tous les niveaux, notamment
de hauts cadres politiques et administratifs, d’ingénieurs de
conception, de techniciens compétents, et d’une main d’œuvre qualifiée.
Si cette dernière catégorie peut être formée sur place, les
premières, qui doivent être soigneusement triées et sélectionnées à
la fin des études secondaires devront acquérir le savoir et le
savoir-faire dans des institutions reconnues pour leur enseignement de
qualité dans des disciplines et des spécialités que notre pays
recherche. Il faut regarder autour de nous pour nous rendre compte qu’il
n’y a pas assez d’ingénieurs, d’architectes et des techniciens
supérieurs sortis des grandes écoles d’Europe, d’Amérique ou des
pays d’Asie pour conduire et réaliser des grands travaux cités plus
haut. Nous recommandons, à ce titre, que notre pays crée des programmes
d’éducation à la hauteur des aspirations d’une grande nation, innove
dans le domaine de formation des ressources humaines au lieu de garder un
système d’éducation colonial, qui n’a plus sa raison d’être. Le
pays a maintenant les moyens de le faire, grâce aux ressources du
pétrole, et il se doit de faire appel à des professionnels de
développement des ressources humaines de réputation internationale.
Les oeuvres et produits que nous présentons dans le
cadre de ce premier forum se veulent simples, pratiques et immédiatement
utilisables. C’est cela avant tout la vocation de l’invention, de l’innovation
et de l’artisanat, n’est-ce pas ? Elle se veut des réponses à
des problèmes auxquels sont confrontés des individus ou groupes dans
leurs milieux, notamment des réponses aux questions concernant la
conservation de l’espèce et de la communauté (procréation,
transmission du savoir et du savoir-faire dans les domaines de traitement
des maladies et pharmacopées ou pharmacies, socialisation, habitat et
protection contre des intempéries ou contre des ennemis, transport,
communication etc..), de la sécurité alimentaire (méthodes de
cueillettes, de chasse, d’agriculture et d’élevage) ; des
techniques culinaires et de conservation de la nourriture), de
représentation du monde (cosmogonie) et de la vie après la mort
(religions). Mais l’invention et l’innovation supposent, non pas un
savoir livresque, mais plutôt une bonne assimilation des connaissances de
ce qui nous entoure, de l’infiniment grand (cosmogonie) à l’infiniment
petit (le monde des atomes, des électrons et des quanta) , et des lois
qui régissent ces ensembles. Le philosophe anglais Bacon Francis
( 1561-1626) ne disait-il pas en effet que pour commander à la
nature, il faut en connaître ses lois ?
Il faut cependant s’empresser de démystifier ces
concepts d’invention et d’innovation. Il ne faut surtout pas penser qu’elles
sont uniquement l’apanage des savants et des chercheurs d’enseignement
supérieur. Une grande partie de notre environnement est le résultat des
inventions et innovations de ceux qui nous ont précédés dans la nuit
des temps. Nos ancêtres n’avaient pas quitté leurs terroirs, ne
savaient ni lire ni écrire, et pourtant, regardez autour de vous et
ouvrez les yeux sur toutes les inventions, techniques et technologies qu’ils
ont réalisées et qui nous servent aujourd’hui. Tenez, toutes les
langues que nous parlons sont des inventions et elles changent avec des
générations ; les instruments de musique comme le balafon, la
citare, les tams-tams. qui nous font danser ou pleurer ; nous
ancêtres n’avaient pas fait appel aux experts de Breettenwood, pour
extraire des métaux des minerais, construire leurs cases, cultiver le
mil, planter des arbres, domestiquer des animaux. Il faut mesurer le
chemin parcouru. Ici dans le pays des Toumaï et des Sao, il y a environ
200 000 ans, les hommes, les femmes, et les enfants complètement
nus, ne vivaient pas dans des villages, mais en bandes dans la nature,
mangeaient des herbes et des fruits sauvages, dormaient dans des grottes
ou sous des arbres.
Le chemin parcouru par l’humanité en général,
et par nos ancêtres tchadiens en particulier, pour que nous mangions à
notre faim, dormions à l’abri des intempéries, nous défendre contre
des bêtes sauvages et contre d’autres humains, augmentions notre force
travail par des outils de plus en plus adaptés au milieu est donc
relativement long, quoique très, très court à l’échelle de l’âge
de quatre milliards d’années de notre planète Terre. Cependant
beaucoup reste encore à faire avant que nous , Tchadiens, atteignions le
niveau de vie des Européens et des Américains du Nord. La raison
principale de notre stagnation mentale et résignation est que nous
pensons que nous avons moins de génies et moins de capacité de création
que d’autres peuples. Ce complexe d’infériorité vient en partie d’une
longue période de soumission aux forces de la nature et aussi d’une
longue dépendance vis à vis de l’extérieur avec pour noms la traite
des esclaves, l’impérialisme, la colonisation et le néo-colonialisme.
Cette soumission et cette dépendance sur une
période de plus de six siècles, ont fait de nous des êtres sans
histoire, sans intelligence, sans capacités intellectuelles et sans âme,
et donc incapables de créer, d’inventer et d’innover, du moins c’est
que nous pensons de nous. C’est bien triste de constater que beaucoup d’Africains
avec leurs leaders acceptent cela. Je n’invente rien, il suffit de
regarder autour de nous et de lire des journaux et des livres d’histoire
sur l’Afrique et sur les Africains. Le plus grave est que nous sommes
encore loin de voir le bout du tunnel, je veux dire de la libération des
capacités inventives et créatrices de notre jeunesse grâce à une
meilleure organisation de nos communautés et aussi à de nouvelles
méthodes de socialisation, d’éducation et de formation, et de gestion
de nos cités.
Il y a dans l’histoire de l’humanité, des
inventions qui ont permis de faire de grands bons dans l’amélioration
des conditions de vie. En effet, elles modifient des faits et gestes, des
comportements de production des biens et des services, et aussi des
relations avec d’autres humains, qu’il s’agisse des rapports d’amitié
et d’échanges commerciaux, ou au contraire ceux de conflits et de
guerres. Nous les appelons grandes inventions parce qu’elles
affectent durablement notre vie actuelle et celles des générations
futures ainsi que la stabilité ou la destruction de notre écosystème.
Quelles sont-elles ? Nous en citons quelques unes ci-dessous à titre
indicatif.
- Le levier et la roue
Les archéologues en ont trouvé des traces au
IVème millénaire (4 000-3000 ans) avant J.C. en Mésopotamie,
région occupée actuellement par l’Iraq. A la même période, les
Égyptiens ici en Afrique, les avaient inventés, et utilisés pour
soulever et transporter d’énormes chargements de pierre et de
matériaux pour construire des pyramides qui font aujourd’hui l’admiration
de tous. Des outils dérivés du principe de levier et de roue sont
des poulies, des palans, des treuils, des brouettes et charrettes etc.
L’usage de ces outils n’est malheureusement pas encore très
répandu au Tchad comme on peut le constater en faisant un tour dans
le milieu des travailleurs manuels. Dans les zones rurales, presque
tout se transporte encore sur la tête ou sur des épaules. Nous
demandons donc aux artisans et inventeurs du Tchad de faire plus dans
ce domaine. Quelques inventions présentées dans les stands du 1er
SAIT sont des applications des principes de levier et de roue :
machine à creuser et à damer ; arrosoir à traction
animale ; motoculteur le paysan, la grille pour monter et
descendre des charges dans les constructions etc..
- Techniques agricoles
Les premiers hommes dont nos ancêtres, allaient
en petites bandes, mangeaient des feuilles et des fruits sauvages, et
des restes d’animaux morts. Ensuite, ils vivaient de chasse et de
pêche quand ils avaient inventé des gourdins, des pièces
tranchantes en bois, en pierre ou en os. Un grand pas avait été
franchi quand ils avaient eu l’idée de semer et faire pousser des
graines de graminées soigneusement sélectionnées sur des sols
meubles et riches. Ils pouvaient ainsi, à l’issue des travaux
champêtres, faire des réserves de graines qu’ils faisaient cuire
pour manger, puis avec le temps les faisaient sécher avant de les
écraser pour les transformer en farine rentrant dans la préparation
des bouillies, des boules, du pain, des gâteaux..
L’invention de l’araire, puis son
perfectionnement pour en faire la charrue dotée d’un attelage
animal a permis à certaines communautés d’alléger leurs lourds
travaux agricoles et d’augmenter leurs récoltes et leurs réserves
de nourritures. Le Tchad n’a malheureusement pas encore atteint son
autosuffisance alimentaire parce que ses populations ne maîtrisent
pas ces techniques agricoles de base. Bien sûr des forgerons et
artisans fabriquent aujourd’hui des charrues, des semoirs, des
charrettes, mais l’usage de ces outils qui est une innovation
technologique importante n’est pas encore entré dans les mœurs des
paysans de notre pays. Il appartient aux pouvoirs publics, notamment
au département de l’agriculture d’adopter une pédagogie
appropriée pour réussir le travail de formation de tous ceux qui se
destinent au travail de production agricole.
- La poudre à canon
Le mélange explosif ou poudre à canon était
découvert ou inventé en Chine 1000 ans avant l’ère chrétienne,
mais l’usage des premières armes à feu par des Arabes, puis par
des Anglais remonte au XIV éme siècle. La conquête coloniale a
été facilitée par ces armes face aux parties adverses qui
brandissaient leurs flèches, sagaies, couteaux. Aujourd’hui des
Africains utilisent ces redoutables armes à feu pour tout détruire
autour d’eux, et engloutissent les maigres ressources de leur pays
dans l’achat des kalachinikovs au lieu de les investir dans l’amélioration
des techniques agricoles et dans l’éducation et la formation de la
jeunesse.
.
- La boussole et le gouvernail
La boussole est une aiguille aimantée qui,
quelque soit la position géographique d’où on la tient, montre la
direction du Nord. Découverte en Chine avant l’ère chrétienne,
son usage dans la navigation remonte au XII ème siècle, et se repend
au XIV éme siècle. Le voyage autour de la terre, et la découverte
du continent américain par Christophe Colomb (1451-1506) auraient
été impossibles sans une boussole perfectionnée, et sans voiliers
avec des gouvernails. Les Tchadiens doivent savoir se servir de la
boussole pour pouvoir explorer sans guides leurs 500 000 Km2 de
désert et pour découvrir les nombreux dessins rupestres dans des
grottes quand on les aura bien entendu débarrassés des mines
anti-personnelles. Il est intéressant de faire noter qu’un
inventeur parmi nous a mis au point un système simple et pratique
pour des démineurs travaillant dans ce milieu constamment balayé par
des vents de sable.
- L’alphabet, l’écriture, la typographie, l’imprimerie
L’alphabet, l’écriture, la typographie et l’imprimerie
sont des inventions capitales pour l’humanité. Ils ont permis à
celle-ci de passer de la parole, de la récitation, de la mémoire des
troubadours et des griots aux documents, aux centres de documentation
et aux bibliothèques, et aujourd’hui à d’autres moyens de
conservation de la connaissance et des savoir-faire. On doit les tout
premiers systèmes de reproduction aux Sumériens et aux
Mésopotamiens vers le III ème millénaire avant l’ère
chrétienne. La xylographie ou méthode d’impression consistant à
appliquer des éléments gravés sur des surfaces de cire ou d’argile
fut inventée en Chine. Mais nous devons l’imprimerie sous sa forme
moderne à l’Allemand Johannes Gensfleisch appelé Gutemberg, vers
1440. Pour ce qui concerne notre pays, non seulement nous n’avons
pas inventé ces techniques et équipements dérivés, mais nous n’arrivons
pas à les acheter en nombre suffisant, et à les utiliser pour
imprimer sur place des livres pour nos écoles. Nous importons tout,
des craies, crayons, des stylos à billes, des cahiers et des manuels
scolaires. Les coûts d’importation absorbent les revenus de l’État
et des familles.
- La machine à vapeur, les moteurs à explosion
et à réactions
Connue depuis l’Antiquité, la force de la
vapeur d’eau n’avait fait l’objet d’études qu’au XVI éme
siècle. Le Français Denis Papin (1647-1714) avait décrit le
principe de son fonctionnement en 1687 et construit un bateau à
vapeur en 1707, mais n’avait pu en faire une exploitation
industrielle. Le perfectionnement de la machine à vapeur a
révolutionné l’industrie du rail et du transport en général au
XIX ème siècle. Le moteur à explosion dont les études avaient
commencé au XVII éme et XVIII ème siècle avait été construit par
le Français Etienne Lenoir (1822-1900). Il remplacera la machine à
vapeur. Les Tchadiens font aujourd’hui l’acquisition des
automobiles, la compagnie aérienne Toumai loue des avions à moteurs
à hélices et à réaction. Des membres de l’APIIT ont construit
une automobile, un motoculteur, et un avion monomoteur à hélices.
Les deux derniers ne sont malheureusement pas dans les stands de ce
premier forum par manque de ressources.
- Les autres inventions
Il serait long et fastidieux de tenter de vous
donner l’idée de ce qui est aujourd’hui l’infinie liste d’inventions
et d’innovations technologiques grâce au développement extraordinaire
des sciences mathématiques, exactes, biologiques et humaines au cours de
ces deux derniers siècles. Je renvoie ceux qui veulent en savoir
davantage aux encyclopédies et aux publications spécialisées. Mais il
faut faire noter que la découverte et la production de l’électricité,
des moyens de communication, des avions et engins d’exploration de l’espace,
des ordinateurs et des programmes appelés logiciels changent chaque jour
notre façon de voir et d’être. C’est ainsi que les comportements
quotidiens des gens qui vivent en Amérique du Nord ou en Europe ne sont
pas les mêmes que ceux des ressortissants des pays en voie de
développement. Les visions du monde et de l’univers ne sont pas non
plus identiques à cause de nos environnements technologiques différents.
Le fossé qui les sépare se creuse chaque jour davantage considérant la
multiplication des découvertes, des inventions, des innovations
technologiques de ces populations du Nord comme en témoignent le nombre
croissant des prix Nobel en sciences exactes, économiques, en médecine.
4. Conclusions
Nos conclusions se dégagent de ce que nous avons
dit plus haut sur les objectifs du salon, sur notre complexe d’infériorité
de Tchadiens ou d’Africains quant à nos capacités d’invention et de
création, sur notre sous-équipement en partie cause de notre pauvreté
et de nos conditions inhumaines de vie, à une époque où s’opèrent
des compétitions serrées entre des superpuissances pour le contrôle des
dernières richesses de notre petite planète terre. Les pays qui vont
contrôler ces richesses et leur marché sont ceux dont les ressortissants
ont plus de chercheurs, plus d’inventeurs, d’innovateurs
technologiques, les meilleurs planificateurs et les meilleurs
gestionnaires des ressources naturelles et humaines, que ces ressources
soient à l’intérieur et ou à l’extérieur de leur territoire. Ce
sont ces pays qui vont vendre aux autres peuples du monde les biens de
consommation et d’équipement, et les services produits par leurs
industries, industries nées des inventions et innovations technologiques,
et de leur savoir-faire. Les pays dont les ressortissants refusent de
créer, d’inventer et d’innover se contenteront de leurs conditions
actuelles de consommateurs et de mendiants. Ils sont du reste condamnés
à disparaître. C’est la loi de la sélection naturelle, je n’invente
rien ! Beaucoup d’espèces animales et végétales ont déjà
disparu de la surface de la terre. L’homme descendant des primates a
également connu une évolution extraordinaire, et cela n’est pas fini,
seules des communautés capables d’adaptation rapide à l’environnement
technologique et écologique changeant pourront survivre. A bon entendeur
salut !
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